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Conférence de Philippe Guillemant à l'Institut de France

La Théorie de la Double Causalité

présentée à la Fondation Simone et Cino Del Duca

de l'Institut de France

le 5 décembre 2012, sur invitation de l'association « Etre Humain »

indépendante de l'Institut de France

dans le cadre du colloque << Naissance, émergence et manifestations de la Conscience >> organisé par François Gros, Secrétaire perpétuel honoraire de l'Académie des sciences, François Terré professeur de droit honoraire, membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques et Bérénice Tournafond, présidente de l’association.

Voir le site web de l'association « Être humain » et le programme du colloque

Enregistrement audio disponible sur le site web de Canal Académie

Video (audio + planches) disponible ici:

Bonjour, c'est un grand honneur de faire cette conférence ici et parmi vous. Je suis ingénieur physicien et je fais de la recherche au CNRS dans le domaine de la physique de l'information. C'est un champ de la physique émergent depuis que la physique donne un sens objectif à l'information et cela revient à comparer l'univers à un ordinateur géant. Cette approche va nous permettre de mieux comprendre le rôle fondamental de la conscience. La question est de savoir quelle relation l'univers entretient avec la conscience, dans quelle mesure il existe en dehors de la conscience et quel rôle elle joue dans la structuration de l'univers. Comme vous le voyez sur le sous-titre de cette conférence, j'ai déjà répondu d'emblée à la question qui est posée concernant mon point de vue sur la conscience: << l'enregistrement du présent et la configuration du futur >>. En fait il n'existe pas de point de vue des physiciens en général sur ce sujet car ils l'évitent la plupart du temps et il n'existe que des points de vue personnels. Le mien est certes original : dire que la conscience enregistre le présent et configure le futur peut paraître déroutant, aussi je vais préciser un peu la chose avant de commencer.

Je parle d'un enregistrement DANS l'univers et d'une configuration DE l'univers. Oui, ça veut dire que l'univers aurait besoin de nos consciences comme interface pour acquérir des informations, car on va considérer ici qu'il s'agit d'un univers d'informations. Mais je rassure les personnes qui tiennent à une conception objective de la réalité. C'est un point de vue qui maintient une telle conception, c'est-à-dire qu'il existe bien un univers extérieur à nous, réel, matériel et où la causalité joue un rôle fondamental, sauf que cet univers n'est pas totalement structuré. Il lui manque des informations et c'est pourquoi les personnes qui parmi vous sont plutôt spiritualistes y trouveront leur compte aussi. Mais il faut dire qu'il est fort probable que la plupart du temps la conscience ne structure rien, que l'univers est déjà structuré, que tout se passe comme si la réalité était indépendante de nous. On va cependant développer l'idée que ce n'est pas toujours le cas, c'est à dire que l'univers n'est que partiellement configuré et d'ailleurs la mécanique quantique nous le montre déjà.

A coté de l'information, Il y a un autre concept clé qui est fondamental pour mieux comprendre la conscience, c'est celui du temps. Donc dans cet exposé je vais vous parler essentiellement du temps et de l'information et pour mieux comprendre l'intérêt de les associer, je vais citer trois illustres personnages : Einstein, Nietzsche et Bergson:

Einstein a écrit dans une lettre à son ami Besso, à la veille de sa mort:

<< Pour nous, physiciens dans l'âme, la séparation entre passé, présent et futur ne garde que la valeur d'une illusion, si tenace soit-elle >>.

Cette absence de séparation veut dire que le passé, le présent et le futur sont simultanés ou en quelque sorte englobés dans le présent. On peut alors se demander si ça implique que le futur serait déjà réalisé ? A ce sujet, Nietzsche a écrit dans " humain, trop humain ":

<<Notre destin exerce son influence sur nous même lorsque nous ne le connaissons pas encore: c'est notre avenir qui détermine notre présent. >> On lui prête aussi la phrase suivante, qui aide à mieux comprendre : << Le futur influence le présent autant que le passé >>.

C'est étonnant non ? En tout cas ça a le mérite d'être encore plus clair qu'Einstein. Mais c'est surtout très embarrassant car si nous sommes déterminés à la fois par notre passé et notre avenir on voit mal comment on pourrait conserver un libre arbitre. Le libre arbitre serait donc une illusion. Bergson s'est élevé contre cette idée du déterminisme et il a écrit dans " Le possible et le réel " :

<< A quoi sert le temps ?... Ne serait-il pas le véhicule de création et de choix ? L'existence du temps ne prouverait-elle pas qu'il y a de l'indétermination dans les choses ? >>

C'est à première vue en totale contradiction avec les deux précédentes citations. On voit mal en effet comment l'indétermination pourrait se concilier avec une double détermination en provenance du futur et du passé. Mais l'indétermination, au fait qu'est-ce que c'est ? Eh bien nous allons tout simplement l'interpréter comme un manque d'information et voila pourquoi l'information sera un concept clé durant cet exposé, tout comme le temps. Et ce que nous allons faire va revenir à inverser nos idées reçues sur le temps et sur l'information.

En voici un bref aperçu:

On croit souvent que le temps est quelque chose d'objectif car c'est la variable t dans les équations de la physique. Nous verrons que ça pourrait ne pas être vrai, que le temps pourrait être subjectif, car on peut éliminer le temps et la variable t des équations de la physique.

En ce qui concerne l'information, on a l'habitude de penser que l'information est subjective parce qu'elle est relative à la personne qui la possède. Nous verrons qu'au contraire l'information est un concept qui est en train de devenir objectif en physique, c'est-à-dire que l'information est en train de devenir une vraie grandeur physique.

D'où vient l'idée que l'information pourrait être une vraie grandeur physique ? Etrangement, cela vient de la mécanique classique et plus précisément de la thermodynamique qui est aussi étrange que la mécanique quantique, mais cela est méconnu. On croit que la mécanique classique n'est pas étrange parce qu'on la croit déterministe, or cette idée que la mécanique classique est déterministe est à l'origine d'un problème interminable qui date de plus de 140 ans et ça n'est pas fini: il s'agit de l'expérience de pensée du démon de Maxwell.

Vous prenez une enceinte contenant du gaz avec au milieu une paroi qui sépare deux compartiments. Il y a un petit orifice qui permet la communication entre les deux, donc le gaz se retrouve à l'équilibre à la même pression des deux cotés. Mais imaginez maintenant un dispositif qui est capable de fermer l'orifice lorsqu'une molécule vient de la gauche et de l'ouvrir lorsqu'une molécule vient de la droite: il se crée alors une différence de pression entre les deux et ce dispositif peut même faire le vide à gauche. Le démon de Maxwell est une métaphore de ce dispositif qui peut ne pas consommer d'énergie du tout, ou très peu, puisqu'il lui suffit d'ouvrir ou de fermer une porte coulissante qui peut avoir unemasse négligeable. Cela veut dire que le démon serait capable de fabriquer de l'énergie mécanique simplement à l'aide d'informations sur la position des molécules ! On aurait ainsi un procédé de création d'énergie gratuite ! Donc l'information pose bien un gros problème de risque de violation des lois de la physique.

Aujourd'hui, on a réussi à exorciser le démon en disant que l'information a forcément un coût énergétique minimal égal à k T ln(2), où T est la température et k ln(2) est un quantum correspondant à 1 bit d'information. k est la constante de Boltzman, quelque chose comme 10 puissance moins 23, c'est tout petit. Introduire un bit d'information réduit ainsi l'entropie en introduisant obligatoirement de l'énergie. L'entropie est alors tout simplement l'opposée de l'information. Lorsque le démon acquière de l'information il consomme de l'énergie liée à la necessité d'observer une molécule, donc il n'y a pas d'énergie gratuite et inversement, lorsque le système perd de l'information il dissipe de l'énergie. Ce principe est appelé le principe de Landauer. Il a été vérifié expérimentalement cette année, en 2012, par des physiciens de Normale sup à Lyon. Ici

Il n'en reste pas moins que tout le monde n'est pas encore vraiment d'accord sur cette correspondance énergie-information. On peut déjà commencer par douter de la nécessité que le démon ait besoin d'observer les molécules de gaz pour connaître leurs positions, puisque selon le déterminisme elles sont calculables. Le déterminisme a donc un problème avec la correspondance énergie-information. Vouloir le préserver rend les choses très compliquées et pour clarifier le débat, on peut dire qu'il y a deux points de vue:

- Soit on le préserve dans un cadre déterministe en résolvant le problème qui rend l'information apparemment dépendante de l'observateur, de la personne qui la possède, pour ne pas avoir une production subjective d'entropie ou d'énergie, ce qui serait impensable ! Certains physiciens pensent avoir trouvé une voie pour résoudre ce problème en reliant l'information à la complexité algorithmique. Ce n'est pas du tout ma tasse de thé, c'est franchement indigeste mais ça reste une porte de sortie pour ceux qui ne voudront pas adhérer à la suite de mon discours, mais je signale qu'il y a là des sables mouvants.

- Soit on considère que l'information est une vraie grandeur physique de l'univers mais partout limitée en nombre de bits à cause du quantum d'information, puisque l'énergie d'un système est toujours finie. Le problème est alors que les systèmes comme celui là - les mélanges - finissent par perdre toute leur information en se mélangeant et ils deviennent indéterministes, c'est-à-dire que l'univers ne sait même plus lui-même où se trouvent les molécules, comme en mécanique quantique. C'est un constat que j'ai vérifié moi-même par le calcul en travaillant sur le billard, nous en reparlerons tout à l'heure.

Les physiciens classiques ont du mal avec cette idée. Pourtant, on fait juste le même constat qu'en mécanique quantique. On pense que la réalité observée n'est pas quantique parce que quand on l'observe elle apparaît bien déterminée. Mais il se peut que l'observateur rétablisse l'information en observant. Il se peut qu'en complément de ce ce qu'on appelle le processus de décohérence, ce soit l'observateur qui au final redétermine la réalité, qui la réinforme, comme en mécanique quantique.

Que se passe-t-il en mécanique quantique ? Elle a elle aussi un problème avec l'information, à cause de la superposition d'états et du fameux paradoxe de l'observateur qui réduit tous les états en un seul. Vous avez surement entendu parler de l'expérience des fentes de Young où l'on fait passer des photons un par un et on s'aperçoit qu'ils passent par les deux fentes à la fois, car ils continuent de produire des interférences. Sauf lorsqu'on les observe, car dans ce cas ils ne passent plus que par un seul trou. Ils empruntent donc tous les chemins à la fois tant qu'on ne les observe pas. C'est parce que l'information sur le chemin emprunté par les photons n'existe pas avant l'observation, tout simplement. On sait en effet aujourd'hui que le résultat de l'observation est totalement indéterministe, c'est-à-dire qu'il n'est pas le résultat du passé.

Ceci a été prouvé par Alain Aspect en 1982 avec son expérience des particules jumelles. Elle a prouvé que la mécanique quantique avait raison contre Einstein qui disait que Dieu ne joue pas aux dés. Eh bien apparemment si, car lorsque vous observez, tout se passe comme s'il y avait un tirage au sort de l'univers pour savoir ce que vous allez voir, comme si l'univers créait la réalité à ce moment là. Mais Einstein n'était pas d'accord sur ce tirage au sort, il disait qu'il y avait forcément des variables cachées, or Alain Aspect a prouvé qu'il n'y en a pas, en tout cas pas de variables cachées locales. Il reste la possibilité qu'Einstein ait raison mais à condition que ces variables cachées soient non locales, c'est à dire qu'elles violent la causalité, or nous verrons que c'est bien le cas. Cela dit le concept de "non localité" contredit la relativité d'Einstein tout en étant parfaitement vérifié aujourd'hui, car c'est une conséquence d'un phénomène maintenant bien connu: l'intrication quantique.

Cette intrication est la deuxième chose étrange de la mécanique quantique. Einstein l'appelait une action fantôme à distance, c'est-à-dire une communication entre deux points de l'espace dont le signal dépasse la vitesse de la lumière, ce qui est contraire à la théorie de la relativité. En réalité, il n'y a pas d'action fantôme et il faut s'habituer à l'idée de l'intrication car elle est hyper-prouvée et elle est à la base de la technologie des futurs ordinateurs quantiques. L'intrication est simplement due au fait que lorsque les états superposés de deux particules sont corrélés à l'origine, cette corrélation subsiste quelque soit leur distance, sinon la mécanique des chemins une fois observés serait incohérente, donc ce n'est pas si mystérieux. C'est juste une illusion d'étrangeté qui vient de ce qu'on ne peut pas s'empêcher de raisonner dans le temps ordinaire, c'est-à-dire de séparer le moment de l'observation de celui où la corrélation est produite.

Il y a d'autres choses étranges en mécanique quantique, comme la rétrocausalité apparente par exemple. Je dis " apparente " car c'est quelque chose qui est encore difficile à admettre pour certains, mais c'est toujours à cause du raisonnement dans le temps ordinaire. C'est l'expérience de la gomme quantique à choix retardé, qui se fait à partir de photons intriqués. Le résultat de cette expérience est que tout se passe comme si des photons intriqués étaient capables d'ajuster leur passé en fonction du choix futur d'un expérimentateur d'allumer ou d'éteindre un détecteur. Etonnant non ? Vous-même vous pouvez créer une partie du passé de l'univers en regardant le ciel étoilé, si jamais vous recevez un photon intriqué. C'est ce qui a fait dire à Stephen Hawking que c'est l'observateur qui crée la réalité et que cette création remonte le temps, ce qui est vrai lorsque l'univers n'est pas déjà informé sur le passé bien sur. C'est ce qu'il appelle une cosmologie descendante (top-down). Mais attention, Stephen Hawking reste un déterministe convaincu, un partisan de la théorie des variables cachées dites non locales, c'est à dire des variables de source inconnue. Roger Penrose n'est pas du tout d'accord car il pense que la conscience intervient dans le processus de réduction d'état: en gros, ce n'est pas Dieu qui joue aux dés mais la conscience, et ceci de façon orchestrée dans le cerveau. C'est son modèle Orch'OR, nous y reviendrons, mais vous voyez que là aussi Penrose introduit des informations de source inconnue, car le hasard indéterministe, ça n'est rien d'autre que ça.

Donc, ce qu'on peut dire de la mécanique quantique c'est que dans tous les cas elle utilise des informations qui déterminent la réalité mais qui viennent de nulle part, ce que j'appelle des informations exotiques: il s'agit soit de variables cachées non locales, c'est-à-dire d'informations qui influent sur le présent de façon non causale - en dehors du cône de lumière pour les connaisseurs - soit des informations issues d'un hasard indéterministe, c'est-à-dire d'un Dieu qui joue aux dés dans la réduction de la fonction d'onde. Avouez que c'est tout de même assez bizarre pour une science exacte. Mais attention, le principal problème là dedans, c'est que ces informations exotiques qui déterminent ce qu'on observe sont supposées arriver dans le présent, au moment de l'observation.

Or, on a un problème, c'est que la physique est en train d'éliminer le présent de ses équations !

La physique a un problème avec le présent à cause des équations d'Einstein, de la relativité. Il n'existe aucun présent commun à tous. Il suffit que deux personnes situées au même endroit se déplacent très vite l'une par rapport à l'autre pour qu'elles ne soient pas d'accord sur le présent. Elles peuvent même être presque immobiles l'une par rapport à l'autre mais simplement très éloignées pour ne pas être d'accord non plus. C'est pourquoi Einstein a introduit le modèle de l'univers bloc, que j'ai représenté ici par un cylindre. La tranche circulaire d'un cylindre représente un disque qui correspond à deux dimensions d'espace au lieu de trois et la longueur du cylindre représente le temps. Le disque remplace une sphère qui contiendrait tout l'univers. Cette représentation cylindrique inclut donc tout l'espace-temps, du passé au futur. Il y a donc déjà de quoi douter de la question de savoir si la réalité se crée bien dans le présent.

C'est évidemment contraire à l'intuition habituelle car on a l'habitude de penser que le futur n'existe pas encore. En ce qui concerne le passé on ne sait pas trop mais on veut bien croire qu'il existe encore. Mais dans la vision d'Einstein on remarque que le futur est traité comme le passé, donc il se pourrait fort bien que le futur existe déjà. Comme on ne peut pas se fier au présent, tout se passe comme s'il n'existait pas, or ceci est confirmé par la théorie de la gravité quantique à boucles. Cette théorie est très puissante car elle réconcilie la relativité et la mécanique quantique: le gros problème de la physique actuelle. Elle élimine le temps des équations de la physique, c'est-à-dire la variable t qui représente le présent. Or lorsque le présent a disparu, on a un problème, c'est de savoir comment l'univers évolue ?

Peut-être qu'il n'évolue pas et dans ce cas tout est déjà créé, tout ce que nous allons vivre. l'Espace-Temps est figé, chacune de nos vies est figée donc notre libre arbitre est illusoire. Einstein n'y croyait pas vraiment, c'est pourquoi il a cherché toute sa vie une théorie de grande unification, en vain. Maintenant, que peut-on faire pour retrouver notre liberté dans un espace où notre vie est figée. Je l'ai illustrée par cette ligne temporelle rouge avec une flèche au bout qui représente notre destin. Dans un Espace-Temps à quatre4 dimensions, cette ligne ne peut pas bouger. N'y aurait-il pas quand-même une solution pour la faire bouger ?

Carlo Rovelli, l'un des deux pères de la gravité quantique à boucles, pense que l'univers-bloc peut bouger, mais pas dans le présent. Il a écrit : " Nous devons apprendre à penser le monde non comme quelque chose qui évolue dans le temps, mais d'une autre façon ". Alors c'est justement ce qu'on va essayer de faire, sachant que Carlo Rovelli fait vibrer l'Espace-Temps.

Alors voilà, maintenant j'ai représenté plusieurs de ces lignes temporelles en bas à droite, avec une barre horizontale qui représente le présent, sauf que maintenant on sait que l'univers ne peut plus évoluer dans le présent. Donc la question est la suivante : en faisant vibrer l'Espace-Temps, ne pourrait-on pas faire évoluer toutes ces lignes ?

Apparemment non, car la Gravité Quantique ne fait vibrer l'Espace-Temps qu'à une échelle quantique infinitésimale, totalement indétectable à notre échelle. Mais là on oublie quelque chose de très important, c'est la sensibilité aux conditions initiales, c'est à dire le chaos ! J'ai personnellement vérifié par le calcul, comme on le verra plus loin, que des vibrations infimes à l'échelle quantique peuvent parfaitement générer du chaos et surtout des bifurcations qui sont capables de créer à l'échelle macroscopique un nombre considérable de variantes d'évolution.

Dans ce cas, ce que nous aurions à vivre serait déjà réalisé mais susceptible de pouvoir être modifié en permanence ! Voila comment on peut traduire cela (click sur l'animation):

Vous voyez maintenant que l'univers évolue partout à la fois dans le temps, dans le futur en même temps que dans le présent, au fur et à mesure que le présent s'élève dans le temps.

Est-ce bien raisonnable ? Eh bien en tout cas mathématiquement oui, c'est possible, il suffit de rajouter une cinquième dimension, c'est tout. Kaluza et Klein ont été les premiers à proposer une cinquième dimension il y a déjà un siècle et cette idée a reçu les faveurs d'Einstein. Il s'agit d'une dimension enroulée et extrêmement petite. Pour se l'imaginer il faut se dire qu'au lieu d'avancer le long d'une ligne on tourne autour de cette ligne. C'est ainsi que l'on retrouve notre liberté et ce n'est pas un faux espoir, car aujourd'hui les théories de grande unification nous offrent également cette possibilité. Voyons voir cela.

Les théories de grande unification sont surtout la théorie des cordes et la théorie de la gravité quantique à boucles qui à première vue ont l'air d'être totalement incompatibles, ce qui impliquerait que l'une d'entre elles soit fausse. Pourtant on va voir qu'elles se ressemblent en fait beaucoup. Il suffit de remarquer pour commencer que l'une conserve un espace immobile, représenté ici sous la forme d'un arbre dont chaque branche est un cylindre d'univers, alors que l'autre fait vibrer l'espace. Leur différence réside dans l'approche mathématique, mais finalement vous allez voir que ces deux théories sont tout à fait complémentaires. Car au lieu de faire bouger l'espace, la théorie des cordes introduit 6 ou 7 dimensions d'espace supplémentaires et finalement ça revient au même. Dans un cas vous avez une particule élémentaire, le quark par exemple, qui vibre dans les dimensions spatiales supplémentaires. Dans l'autre cas vous avez la même particule qui vibre également parce que c'est l'espace lui-même qui vibre. Du coup, la théorie qui fait vibrer l'espace n'a pas besoin de rajouter des dimensions spatiales. Mais par contre, faute de dimensions elle ne décrit pas totalement la réalité. Elle ne décrit qu'une réalité stochastique, probabiliste. Lorsque les fluctuations quantiques de l'espace se transforment en observations réelles, alors il y a toujours une réduction d'état en une seule réalité qui n'est pas décrite. De ce fait le futur décrit par la gravité quantique à boucles est un futur qui contient potentiellement de multiples possibilités, tout comme le futur décrit par la théorie des cordes et qu'on appelle le multivers. Cela ne se voit pas en gravité quantique car il s'agit d'une approche dynamique qui ne décrit pas tout, alors que dans le cas du multivers de la théorie des cordes il s'agit d'une approche statique qui décrit tout, mais il reste trop de degrés de liberté.

Maintenant, pour marier les deux théories, il suffit de remarquer que les fluctuations quantiques de la première peuvent très bien être responsables des changements de branche de la seconde.

Le problème est que Stephen Hawking ne dit pas ça du tout, lui. Il dit que nous ne vivons que dans une seule branche du multivers, or il n'a aucune preuve de cela. Il y a en fait 10 à la puissance 500 possibilités de faire varier les vibrations des cordes, et vivre dans une seule branche du multivers signifierait que cette vibration est toujours la même : aucune raison à cela, c'est arbitraire. Si vous regardez la théorie des boucles, les fluctuations quantiques peuvent nous faire changer de futur de manière totalement aléatoire, donc vous voyez bien que le hasard peut nous faire changer de branche. Donc si vous voulez concilier les deux théories, vous êtes obligés de rejeter l'idée d'Hawking qui prétend que nous ne vivons que dans une seule branche du multivers bien qu'il y en ait des myriades d'autres. Et c'est mieux ainsi, car la conséquence de la thèse d'Hawking est que ça nous oblige à penser que chacun d'entre nous aurait des milliards de vies conscientes dans des univers parallèles. Personnellement je n'y arrive pas. Il y a beaucoup plus simple. Il suffit de regarder en face les fameuses informations exotiques que toutes les théories rajoutent, que cela soit des variables cachées, du hasard ou des dimensions supplémentaires. Alain Connes, notre grand mathématicien, pour concilier les deux théories de grande unification, rajoute lui aussi des dimensions spatiales à l'espace : encore des informations additionnelles de source exotique, comme si pour prédire le cours des évènements la physique avait besoin en tout point de l'espace d'informations complémentaires mais dont personne ne comprend encore l'origine !

Alors maintenant, on peut se poser une question: pourquoi n'utilise-t-on pas ce genre d'informations complémentaires ou de dimensions supplémentaires dans la mécanique classique, à notre échelle ?

Eh bien en fait, on aurait bien besoin de ce genre d'informations additionnelles en mécanique classique, car si on fouille un peu on s'aperçoit que la mécanique fonctionne très mal en trois dimensions. Du moins si l'on part de notre point de vue où l'information a un vrai sens physique, ce qui implique que tout l'univers soit quantifié. Or on retrouve cette quantification dans la gravité quantique à boucles qui a besoin que l'univers soit discret, c'est-à-dire à structure granulaire : il existerait des grains d'espace indivisibles mais aussi des grains d'énergie, d'impulsion, de temps, etc. et finalement l'univers serait comme l'image d'une télévision qui en réalité n'est pas continue mais faite de pixels. L'univers contiendrait donc une quantité énorme mais limitée de giga-octets, si vous préférez, comme un immense ordinateur.

Tout ceci a des conséquences à l'échelle macroscopique car l'indéterminisme du à la quantification peut alors se propager rapidement à l'échelle macroscopique, et c'est là dessus que je travaille.

La première conséquence de la structure granulaire de l'espace, c'est que la mécanique classique devient indéterministe en trois dimensions, comme on l'avait déjà remarqué avec le démon de Maxwell. C'est ce que j'ai pu mettre en évidence en faisant des calculs de billards. Voici une démo de mes calculs qui est une illustration du fait que la mécanique s'arrête de fonctionner au bout d'un certain temps en trois dimensions. Je prends deux billards superposés avec les mêmes conditions initiales, exceptée une différence infinitésimale entre les deux, ici 10 à la puissance -15, et voila ce qui arrive très rapidement: comme vous le voyez, les deux billards divergent rapidement. La mécanique ne sait plus où aller. C'est parce qu'elle a perdu presque toutes les informations sur les boules. J'ai pu montrer que ceci arrive même si les conditions initiales diffèrent d'une valeur inférieure au grain de l'espace, une valeur qui n'a donc plus de sens, qui n'existe pas. Dans ce cas il faut seulement une trentaine de chocs par boule pour que la mécanique s'arrête avec 500 boules, et quand vous augmentez le nombre de boules c'est encore moins, ça tend même vers 0 à l'infini.

Mais ce n'est pas tout, car j'ai aussi vérifié que même si l'espace n'a pas de structure granulaire et peut donc être aussi précis que l'on veut, on a quand-même un énorme problème avec l'information. Ce problème est le suivant: lorsque vous calculez toutes les trajectoires de toutes les boules aussi longtemps que la mécanique marche, vous utilisez une certaine quantité de mémoire pour stocker toute l'évolution calculée. Or à partir d'un certain nombre de boules cette quantité de mémoire devient inférieure à la mémoire dont vous avez besoin pour les conditions initiales. Ceci est totalement aberrant pour un mécanicien: le fait que son modèle consomme plus d'informations qu'il n'en calcule. J'ai appelé ça le paradoxe de l'information classique ou encore le démon du déterminisme. Ca veut dire que la mécanique ne fonctionne pas dans un espace à trois dimensions, en tout cas pas longtemps et ceci même s'il est continu, à partir du moment où l'on admet que l'information a un sens physique.

C'est très génant, alors pour restaurer le déterminisme, ce qu'il faut bien puisque nous vivons une seule réalité, j'essaie de rajouter des informations exotiques qui permettent de choisir la direction des évènements. Mais pour l'instant, j'ai quelques soucis de choix techniques pour y arriver et je travaille plutôt à la mise en forme de ce que je vous ai déjà dit. Mais il y a encore autre chose, c'est que plus les boules sont petites et plus l'indéterminisme s'installe tôt dans le billard, mais aussi dans n'importe quel système où il y a des interactions, même si ce ne sont pas des chocs élastiques. Or ceci pourrait bien expliquer le comportement quantique des particules à petite échelle. Personnellement, à force d'étudier la mécanique je ne vois même plus de différence entre le monde classique et le monde quantique, puisque l'indéterminisme, l'interaction de l'observateur et même l'intrication sont à mon avis imposés par les deux physiques. Personnellement j'ai de bonnes raisons de penser qu'il n'y a aucune frontière entre les deux mais je n'insisterai pas là-dessus car je n'ai pas suffisamment validé ces idées.

Ce qu'il faut retenir ici, c'est qu'on constate une fois de plus que pour calculer le futur il est indispensable d'introduire de l'information exotique dans la physique, sauf si on laisse faire le hasard bien sur en calculant le futur le plus probable. Le problème c'est qu'ici on est dans la mécanique classique, peu suspecte de ce genre d'étrangeté, et pourtant la seule façon d'introduire cette information, c'est de rajouter au moins une dimension à l'espace, une 5ème dimension donc. Ce n'est pas nouveau, on commence à en avoir l'habitude, et il y a quelque chose d'intéressant à chaque fois qu'une tentative est faite de rajouter des dimensions, c'est qu'il s'agit toujours de dimensions rotatoires. Dans le cas du billard il s'agit de courber les trajectoires de manière à leur faire visiter toutes les possibilités que sans cela, elles ignoreraient. C'est comme si l'on avait besoin de tordre l'espace de différentes façons, or cette torsion peut très bien être formalisée par un vecteur qui s'enroule autour d'un point ou d'une ligne. Alors maintenant on va simplifier tout ça en faisant comme s'il n'y avait qu'une seule dimension enroulée.

Voila, maintenant on peut en venir à des choses plus proches de nous, de notre vie: nous allons rajouter à l'espace-temps cylindrique que je vous ai montré tout à l'heure une cinquième dimension enroulée et surtout macroscopique pour mieux la visualiser. Cette dimension va lui permettre de changer de forme. Alors attention, ce changement de forme n'est pas du au fait que l'espace lui-même bouge, car il bouge mais de façon infinitésimale. Il est du au fait que ce qu'il y a à l'intérieur peut considérablement changer au niveau macroscopique, comme je vous l'ai dit : un petit rien qui provoque de grands effets, des bifurcations, de nouveaux scénarios. Donc souvenez-vous de la représentation: un disque ou une tranche du cylindre représente deux dimensions au lieu de trois. On inclut donc tout l'univers dans une sphère remplacée ici par une tranche du cylindre. Maintenant, on peut rétrécir ce cylindre en un tuyau flexible et on peut même représenter une partie de cet univers, notre propre vie d'humain par exemple, en le rétrécissant encore en un bout de ficelle dont la longueur représente le temps, en haut à droite.

Faisons maintenant fonctionner la dimension enroulée: ça consiste à tordre le bout de ficelle en lui appliquant une rotation sur lui-même dans le présent, et vous voyez ce qui arrive: le bout de ficelle ne change pas vraiment de position dans le présent mais par contre sa position change totalement dans le futur. Il faut bien comprendre que quand on rajoute une dimension et qu'on se déplace ne serait-ce qu'un tout petit peu le long de cette dimension, c'est tout l'espace-temps qui change d'un seul coup. C'est pourquoi le fait de tourner le tuyau ou le bout de ficelle représente bien la chose, car on voit bien que cette rotation va tout changer à la fois dans l'espace et dans le temps.

Avec cette représentation on colle avec l'espace-temps de la gravité quantique à boucles dont l'évolution ne se fait pas dans le présent mais partout dans le temps simultanément, à cause des fluctuations quantiques. On colle aussi avec la théorie des cordes car à force de faire tourner le bout de ficelle on finit par reconstruire toutes les branches de vies possibles du multivers et tout cela finit par prendre la forme d'un arbre, que j'appelle dans mon livre l'arbre de vie. L'univers a son propre arbre de vie et nous avons chacun le notre. L'arbre est une représentation statique où l'on voit toutes les possibilités d'un seul coup. Ici j'ai choisi de vous montrer un arbre dont les branches sont cylindriques: elles ressemblent à des tuyaux. C'est une vision du peintre Robert Venoza.

Maintenant, soyons attentif à ce qui se passe lorsque je tourne le tuyau ou le bout de ficelle et que le futur bascule d'un seul coup, ce qui peut arriver lors d'une bifurcation, c'est-à-dire lorsque la cause est infime. Si par exemple vous prenez un chemin inhabituel pour aller à votre rendez vous habituel, vous pouvez faire la rencontre de votre vie et donc votre vie bascule. Mais on ne sait pas exactement quand elle a vraiment basculé, car ça peut être bien avant, si par exemple un jour dans le passé un de vos amis vous a dit que vous devriez bousculer un peu vos habitudes. Ca a pu provoquer une prise de conscience chez vous et lorsque l'occasion s'est présentée vous avez automatiquement pris la bifurcation. Donc votre vie n'a pas basculé le jour de la rencontre mais bien avant, le jour de votre prise de conscience. Alors maintenant, regardons ce qui se passe ce jour là.

J'ai représenté le basculement de votre vie de deux façons, en haut à gauche c'est le basculement d'un tuyau et en haut à droite c'est juste un graphe avec votre futur en abscisse et un paramètre exotique de prise de conscience en ordonnée. Celle-ci aurait pu ne pas avoir lieu, si par exemple vous étiez retranché dans votre ego. En rouge elle a lieu, et vous voyez ce qui se passe : votre futur change, mais il devient alors impossible que le passé qui précède le moment de votre rencontre ne change pas, ne serait-ce qu'un peu, sinon ça provoquerait une cassure dans l'espace-temps. Car vous ne pouvez agir en un point du temps sans agir simultanément sur ce qui arrive après ET sur ce qui arrive avant. Tout simplement pour respecter la causalité.

Maintenant reprenons le modèle du tuyau, et imaginons que cela soit un tunnel invisible dans lequel chacun d'entre nous se déplacerait, en étant guidé automatiquement avec un libre arbitre illusoire. La seule manière de retrouver un libre arbitre authentique serait que nos pensées puissent générer des informations exotiques qui déplacent notre tunnel dans la cinquième dimension. Mais imaginez qu'en se déplaçant, notre tunnel bascule et donc qu'il se restabilise quelque part en s'adaptant au terrain, alors inévitablement pour préserver la causalité, une rétrocausalité va entrer en œuvre pour adapter notre présent à ce nouveau futur. C'est inévitable pour ne pas casser l'espace-temps.

Thibault Damour nous confirme d'ailleurs que la relativité admet la rétrocausalité et que le temps est parfaitement réversible. La seule ennemie de la rétrocausalité est en fait l'irréversibilité qui passe son temps à essayer de séparer les deux sœurs jumelles. Mais l'irréversibilité a du plomb dans l'aile, surtout si l'on raisonne en termes d'informations, car l'information au moment du big-bang, surtout dans un espace discret, est forcément infiniment plus faible que l'information d'aujourd'hui avec tous les systèmes vivants. Or comme l'information est l'opposée de l'entropie, ça voudrait dire que l'entropie a diminué, ce qui est contraire au second principe qui nous dicte l'irréversibilité. Je pense que c'est parce que le second principe a laissé de coté la créativité de l'action des informations exotiques sur le futur. Le futur est dirigé par elles, voila tout, et le Darwinisme est à revoir. Maintenant, j'aimerais préciser qu'en fait la question de l'irréversibilité est caduque dans un espace-temps indéterministe, ou disons déterminé de multiples manières par des variables exotiques. Cela vient du fait que la mécanique ne décrit pas un seul futur ni un seul passé, mais qu'elle décrit des futurs multiples et des passés multiples. Or la question de l'irréversibilité ne se pose pas en présence de passés multiples.

Pour terminer sur la rétrocausalité, je signale que de plus en plus de publications sortent aujourd'hui sur une possible influence du présent sur le passé et surtout du futur sur le présent, y compris dans la revue Nature. Je signale également que la rétrocausalité en cinq dimensions n'a pas besoin de tachyons, c'est-à-dire de particules qui dépassent la vitesse de la lumière, et je signale enfin que la fameuse formule de Bayes dont Science et Vie a fait ses gros titres le mois dernier en la présentant presque comme une formule magique est complètement triviale en présence de rétrocausalité.

Maintenant, nous allons voir que la rétrocausalité a le mérite d'expliquer certains phénomènes étranges, comme les coïncidences et les synchronicités.

La synchronicité, voila un phénomène qui pourrait bien valider la possibilité que nos pensées puissent avoir une connexion avec une cinquième dimension, car les informations exotiques qu'elle introduit sont les seules capables d'expliquer des phénomènes qui défient la causalité. On appelle cela l'Acausalité avec un A devant "causalité". Ce concept a été invoqué par Jung pour expliquer la synchronicité lors de sa correspondance avec le prix Nobel de Physique Pauli, le père du concept d'Acausalité. Une synchronicité est une coïncidence chargée de sens pour celui qui la vit. C'est ce sens qui traduit le fait que nos pensées sont mêlées au phénomène. Cela dit, la plupart du temps on ne vit que des coïncidences, qui sont des phénomènes qu'on regroupe sous différentes dénominations: la " Loi des séries", " Le monde est petit ", La " Loi de Murphy " , l'" effet Pauli ", l'" effet démo ", sans oublier les séries numériques et surtout La CHANCE …

Les coïncidences peuvent être comprises grâce à la rétrocausalité qui a tendance à créer un ordre synchrone dans le sens inverse du temps, car la mécanique a tendance à créer du désordre dans le sens normal. Mais pour que cela arrive, il faut qu'il y ait une restructuration du futur, c'est-à-dire qu'il soit en train de changer, raison pour laquelle les coïncidences sont rares. On peut alors mieux comprendre le phénomène en disant que lorsque le futur change, il peut être mis en situation de devoir se trouver de nouvelles causes, si par exemple l'ancienne cause est rendue plus improbable comme l'illustre la figure en haut à gauche. Mais on ne sait pas vraiment comment ça arrive, c'est pourquoi ce sont les synchronicités qui sont les plus intéressantes. En ce qui les concerne on sait qu'elles interagissent avec nos pensées, nos émotions, qu'elles contiennent un sens qui peut nous rendre responsable des changements de probabilité des causes.

Les synchonicités s'expliquent très bien si l'on considère que nos intentions peuvent causer des effets dans le futur qui deviennent les futures causes d'un effet dans le présent. Jacques Vallée a développé cette idée en déclarant qu'il s'agissait là d'un futur courant dominant de la physique, celui de la physique de l'information. C'est d'ailleurs lui qui m'a fait explorer cette voie et je dois dire que j'ai été surpris d'y trouver matière à confirmer l'indéterminisme macroscopique qui est à la base de ma théorie de la double causalité. Cela signifie tout simplement que nous pourrions vivre dans un monde d'informations qui n'est que partiellement configuré. Or c'est cela qui permet justement d'ouvrir le champ des possibles et c'est bien ce que j'ai moi-même volontairement expérimenté pour vérifier cette théorie. Je l'explique dans mon livre " La Route du Temps ". Je ne vais pas m'étendre là-dessus car ce serait trop long. Je dirais simplement que les provoquer nécessite un éveil de l'esprit, un lâcher prise, d'être vraiment déconditionné et ouvert aux changements dans sa vie. Tout cela peut se résumer par une phrase très simple : tout ce qui n'est plus déterminé par le passé est déterminé par le futur. Souvenez vous de ma citation de Nietzsche.

Je signale aussi la théorie de la synchronicité de François Martin, physicien quantique théoricien au CNRS. Sa théorie de la psyché quantique fait intervenir une intrication quantique entre deux évènements qui peuvent être non seulement séparés dans l'espace mais aussi dans le temps, et je pense que cette intrication atemporelle est surement une clé pour mieux comprendre ce que j'appelle l'information exotique. Quoi qu'il en soit, on remarquera que l'intrication ou les dimensions supplémentaires sont finalement deux façons d'introduire la même chose, en l'occurrence des informations atemporelles.

J'en viens maintenant à l'objet principal de cette conférence, à savoir ce qu'est la conscience et si on peut l'approcher par un modèle. Je pense que quand on tient une figure géométrique simple qui permet de représenter quelque chose d'aussi énigmatique et complexe que l'espace, le temps et les dimensions supplémentaires, il faut le garder et bien l'exploiter. Alors je représente notre cerveau par le cercle gris à l'intérieur du tunnel dans lequel chacun d'entre nous se déplace sans savoir qu'il est guidé, et la conscience par une lampe de poche qui nous permet de voir notre parcours. Je dissocie la conscience du cerveau, car d'une part en tant que concepteur de cerveaux visuels artificiels je ne crois absolument pas à la magie d'une émergence de la conscience à partir de la complexité, d'autre part on a vraiment besoin d'une interface sérieuse qui réduise les états superposés quantiques, qu'ils soient dans le cerveau ou ailleurs dans l'environnement. Notre univers d'informations a besoin d'être observé pour acquérir de nouvelles informations matérielles à partir de tous les possibles et il me semble juste, comme Roger Penrose le propose dans son modèle Orch'OR, que ce soit la conscience qui joue ce rôle.

Par contre il s'agit là à mon avis d'un rôle passif qui pourrait très bien être déterministe, si tant est que la conscience oublie qu'elle est une interface entre le cerveau et une source d'informations exotiques. C'est bien entendu l'ego qui lui ferait oublier cela, et j'ai représenté cela par un miroir dans le cas où la conscience est passive. Donc j'ai aussi représenté en dessous un modèle de conscience active avec cette fois ci une source d'informations exotiques, capable de jouer sur la cinquième dimension en étant connectée au cerveau par l'intermédiaire de la conscience. Vous l'aurez compris, j'identifie cette source d'informations à ce qu'on appelle l'Esprit. Lorsque cette source est utilisée, c'est-à-dire lorsqu''il n'y a pas le miroir de l'ego interposé devant, alors les informations de l'esprit peuvent être transférées par la conscience au cerveau et il s'en suit un changement dans le cerveau, caractérisé par une prise de conscience qui change instantanément l'avenir. Donc il n'y a aucune action fantôme et tout cela transite bien par le cerveau. Ce que je présente ici n'est donc ni plus ni moins qu'un modèle plutôt matérialiste de la conscience et de l'esprit, qui respecte les lois de la mécanique et restaure même un certain déterminisme…

Donc si je me résume, je dégage deux fonctions de la conscience. La première est une fonction passive. Comme elle est liée à l'observation dans le présent et que l'univers a besoin qu'on l'observe pour acquérir des informations, je propose que cette première fonction de la conscience soit une fonction d'enregistrement de l'univers.

La deuxième fonction de la conscience est une fonction active de configuration du futur. Elle consiste à le préparer, à l'informer via le cerveau à l'aide des informations issues de l'esprit, à condition que ces informations lui parviennent, bien entendu. Le futur reste toujours partiellement configuré et ce n'est que lorsqu'il se rapproche du présent que cette configuration se termine peu à peu jusqu'à atteindre le maximum de densité près du présent. La conscience passive finit ainsi par actualiser le possible devenu le plus dense, c'est à dire le plus probable, en l'enregistrant. Il n'y a donc pas à mon sens d'informations exotiques qui rentrent dans le présent et qui viennent de nulle part, car le futur immédiat est déjà tout préparé. Les variables cachées non locales sont alors tout simplement contenues dans ce futur immédiat là. C'est plus loin dans le futur que l'esprit configure la réalité. Mais je crois que je ne fais ici qu'une ébauche. Cette ébauche me conduit à suggérer un lien entre la conscience et la gravité, car les informations issues d'une cinquième dimension jouent finalement le même rôle que la gravité quantique en bougeant l'espace, mais il faut rester prudent. Quoi qu'il en soit, vous aurez remarqué que cette ébauche de modèle est très matérialiste tout en étant compatible avec une certaine spiritualité.

Nous voici maintenant mieux armés pour tenter d'interpréter ce qui se passe dans cette fameuse boite où se trouve enfermé un chat qui risque de mourir si le dispositif qui se trouve à coté de lui libère subitement un poison violent. Dans le temps imparti à l'expérience, ce dispositif a une chance sur deux d'être activé par l'émission d'une particule radioactive. Le problème est que cette émission répond aux lois de la mécanique quantique et par conséquent, le moment où elle a lieu est indéterministe. Mais ce n'est pas seulement cela. C'est surtout qu'il y a une possible superposition d'états entre l'alternative où cette émission a lieu et celle où elle n'a pas lieu, autrement dit le chat serait à la fois mort et vivant !

Les physiciens ont longuement débattu à ce sujet car il existe un processus dit de décohérence qui empêche qu'une telle superposition d'états puisse exister à l'échelle macroscopique. Or ceci n'est pas tout à fait vrai, car tout d'abord on observe déjà des phénomènes de superposition à une échelle quasi-macroscopique, comme par exemple dans une expérience d'interférences avec des molécules géantes de fullerènes, ou encore dans les matériaux supraconducteurs, voire dans le processus de photosynthèse. Ensuite la théorie de la décohérence n'explique pas bien le phénomène final de la réduction d'état pour lequel on ne peut se passer d'un observateur en fin de compte. Il semblerait que cette réduction se produise naturellement, sans observateur, mais que cela soit une question de temps, c'est-à-dire qu'il subsiste un laps de temps très court pendant lequel l'état superposé existe. Donc le chat est certainement déjà soit mort, soit vivant lorsqu'on ouvre la boite, mais l'expérience de pensée reste valable en théorie car on a le droit de considérer qu'il est bel et bien à la fois mort et vivant pendant un certain laps de temps.

Admettons maintenant que l'état superposé soit réel. La question est de savoir s'il y a une différence qui viendrait du fait que le chat soit conscient ou non, c'est-à-dire qu'il soit un vrai chat ou un chat robot. Si c'est un chat robot, alors c'est un authentique chat de Shrödinger à la fois mort et vivant, mais si c'est un vrai chat, il est en quelque sorte patenté par l'univers pour lui fournir des informations via sa conscience, auquel cas il est soit mort, soit vivant. Voila toute la nuance. Et s'il est un humain très doué, capable de provoquer sa chance, on pourrait même penser qu'il pourrait faire en sorte de rester vivant, mais là on rêve un peu, évidemment. Quoi qu'il en soit, ça pose le problème de savoir ce qu'il devient lorsqu'il dort et là, je ne me risquerai pas à répondre…

En conclusion, je pense que la conscience a une double fonction qui peut réconcilier les approches matérialistes et spiritualistes. L'approche matérialiste concerne l'enregistrement du présent et ne nie pas le déterminisme neurophysiologique qui affecte la conscience, alors que l'approche spiritualiste concerne le futur et consiste à dire que via l'esprit la conscience peut avoir un impact sur le futur. Donc on réconcilie Bergson avec Einstein et Nietzsche. Il y a bien un double déterminisme mais il n'en reste pas moins que le temps reste, via l'esprit, un véhicule de création et de choix.

Enfin, ce que j'appelle la théorie de la double causalité et qui n'est ni plus ni moins que le nom que je donne à ce modèle de la conscience permet d'expliquer les coïncidences et les synchronicités et même d'expliquer leurs différences. Maintenant, il y a peut-être d'autres phénomènes étranges qui peuvent être expliqués par cette théorie mais j'ai préféré me concentrer ici sur la synchronicité. Si je peux résumer cette théorie, ce serait en rappelant qu'elle est fondée sur l'indéterminisme macroscopique qui permet une possible évolution de l'univers hors du temps et que cette évolution apparaît également comme nécessaire lorsqu'on essaie de concilier les théories de grande unification.

Pour finir, je n'en ai pas parlé durant l'exposé car ce n'est ni publié ni validé, mais j'ai l'espoir et de bonnes raisons de croire que la théorie de la double causalité pourrait expliquer la matière noire, à plusieurs titres. Le fait qu'elle prédise que le rayonnement d'une étoile ou d'un amas puisse disparaître brutalement, ce qui a été observé. Le fait que la matière dont le rayonnement a disparu devrait être d'autant plus fréquente qu'elle est plus éloignée, et enfin le fait que ce rayonnement puisse réapparaître à tout moment. Tout cela peut être une conséquence directe du fait que le passé de l'univers pourrait évoluer, certainement infiniment moins vite que le futur bien sur, du fait de la quantité énorme de traces que le passé laisse dans le présent, mais il pourrait évoluer tout de même. La conséquence de cela serait que d'anciens passés pourraient avoir passagèrement bloqué la lumière… mais je n'en dirais pas plus, car ces histoires de passés qui évoluent sont très difficiles à concevoir.

Enfin, je crois que ceci n'est rien devant la perspective la plus importante que ce modèle ouvre à mon avis. Il s'agit de choses que j'ai bien expérimenté moi-même et sur lesquelles j'ai longuement réfléchi et même atteint une conviction profonde. J'ai compris que les valeurs morales et spirituelles telles que le DETACHEMENT, le DON DE SOI, l'AUTHENTICITE, la CONFIANCE, la FOI et l'INTUITION sont des valeurs qui découlent naturellement du comportement le plus approprié lorsqu'on a compris la nature du temps et de l'information proposée par cette théorie.

Je vous remercie.