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      Théorie de la Double Causalité ?      
         
         

 

Philippe GUILLEMANT

 

Fissure du temps

 

 

 

Où l’on découvre, en recherchant les caractéristiques que devraient révéler à notre observation les traces du futur, une première fissure du temps.

Au détour d’un sentier chaotique de la réserve géologique, mon attention fut un jour captée par un chevreuil qui m’évita de justesse, en croisant mes pas à toute allure vers une barre rocheuse donnant sur le vide et ne lui fournissant aucune issue. Cela faisait une bonne heure que je suivais ce sentier mal tracé sans parvenir à descendre de cette interminable barre qu’il longeait. Plus le temps passait et plus je m’éloignai de mon objectif, qui était de gravir le sommet situé en face. Je décidai alors de me faufiler dans les traces de l’animal, après avoir réussi à le prendre en photo juste avant qu’il ne disparaisse, et tombai rapidement sur une faille inespérée. Peut-être avais-je encore le temps de réaliser mon objectif ? Je constatai que non, car cette faille était encombrée d’épineux réduisant fortement ma vision et mon rythme de descente, et je me demandai même si j’allais pouvoir rentrer avant la nuit. Je parvenais laborieusement à mi-descente quand un envol de perdreaux détourna mon regard. Soudain, l’espace d’une seconde, j’aperçus mon chevreuil sur un éboulis, juste avant qu’il ne disparaisse derrière un talus. J’eus alors l’intuition que j’avais emprunté une mauvaise piste et que c’était derrière ce talus que devait se trouver le chemin que je recherchai depuis presque une heure. Je ne saurais dire pourquoi, mais bien que cette sensation ne me paraisse pas rationnellement fondée, je décidai d’en tenir compte et de rebrousser chemin. Après avoir péniblement réussi à trouver comment sortir de cette faille par une issue à peine discernable, je ne tardai pas à vérifier, en réussissant à rejoindre l’éboulis, que j’avais bien fait de me fier au chevreuil : vu d’en bas, ma descente initiale aurait été interrompue par une nouvelle falaise infranchissable, qu’il aurait fallu longer à nouveau pendant longtemps avant de pouvoir continuer ma descente. Et la nuit serait tombée avant que je ne trouve le bon chemin !

 

Ce n’est que beaucoup plus tard, des mois plus tard, en me souvenant de cette balade où j’avais failli me perdre à la tombée de la nuit, que je compris que mon intuition avait été fondée par l’envol des perdreaux !

 

Je n’aurais pas attaché d’importance à cette coïncidence* entre les perdreaux et ma vision fugitive du chevreuil, si je n’étais pas à ce moment là occupé à cogiter l’idée que les coïncidences pourraient peut-être s’expliquer en vertu de la Loi de Convergence des Parties. Car il me semblait que cette loi devait être à l’origine de la formation de traces du futur.

 

Je suspectais que cette coïncidence représentait une trace de mon propre futur, et je me demandais si nos intuitions, en général, ne relèveraient pas de la détection presque inconsciente, ultérieure à une ou plusieurs observations, de traces du futur.

 

Faisons un point sur la...

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Il se pose alors la question suivante : la Loi de Convergence des Parties pourrait-elle nous débarrasser du hasard de cette coïncidence entre mon chevreuil et mes perdreaux, en nous mettant sur la voie d’une « cause future » ?

 

Que faut-il faire pour parvenir à une telle explication ? Imaginer l’avenir potentiel de ces animaux, ou simplement l’effet que cette coïncidence a eu sur mon propre futur, sur mon Arbre de Vie ?

 

Une chose est sûre, sans ma présence il n’y aurait même pas eu de coïncidence. Je suis donc clairement impliqué dans l’affaire. Considérons donc mon propre futur: j’ai pu échapper à l’épreuve de passer la nuit dehors en pleine nature, sans lampe de poche ni vêtements chauds, perdu dans la montagne à un endroit où, même de jour, il est déjà difficile de retrouver son chemin.

 

Mon Arbre de Vie n’avait-il aucun scénario de mémorisé dans lequel j’aurais pu tomber malade après avoir pris froid ? Ou avait-il un autre scénario obligatoire à m’imposer à ce moment de ma vie ? Reconnaissons que cela ne tient apparemment pas debout, et surtout que cela n’explique pas mécaniquement pourquoi les perdreaux s’envolent au moment même où le chevreuil va réapparaître fugitivement dans mon champ de vision. En fait, l’explication semble toute simple et purement causale : les perdreaux s’envolent à cause de mon passage, et j’ai eu la chance d’arriver par hasard à leur niveau au moment même où le chevreuil était encore visible : encore le hasard.

 

Cela ne tient pas, car justement c’est la faible probabilité de cette chance que nous jugeons invraisemblable, et par ailleurs, il est tout à fait raisonnable de penser que je me trouvais en face d’une bifurcation dans ma vie, c'est-à-dire en face de deux branches : choisir ou ne pas choisir de me fier au chevreuil, car je pense que c’est bien mon libre arbitre qui est responsable de ma décision, contre toute attente rationnelle, de suivre ses traces.

 

Je me permet de ranger ainsi ce couple d’animaux dans la catégorie de « trace du futur » suspecte, et en l’occurrence de mon propre futur, sans pour autant expliquer cette trace pour le moment. Pour cela, d’autres développements sont nécessaires.

 

Plus encore qu’avec les traces du passé, nous imaginons bien qu’une incertitude assez grande puisse régner sur ces traces du futur que l’on pourrait « glaner ». Elles peuvent être de natures très distinctes, qu’il s’agisse de calculs sophistiqués ou de coïncidences, de consultation d’oracles ou de tout ce que nous pourrions qualifier en général de « signes du destin ».

 

Ce qui nous intéresse ici n’est pas de savoir si les traces que l’on suspecte sont liées à des certitudes d’avenir mais d’apprendre à les distinguer de fausses traces, c'est-à-dire d’illusions, de projections et d’idioties en tout genre.

 

Car même incertaines, de bonnes traces restent dignes d’intérêt.

 

La Loi de Convergence manquante nous fournit la piste suivante : en appliquant les mécanismes créateurs d’ordre vers le passé de cette loi, on vérifiera tout d’abord que les traces du futur devraient relever de l’observation d’un ensemble d’éléments bien plus ordonné dans son état présent que dans son état futur, création d’ordre oblige. Mais il nous faut exclure les ensembles pour lesquels cet ordre existerait déjà ou serait encore plus ordonné dans le passé, comme c’est le cas par exemple de n’importe quel système en train de se dégrader.

 

Une trace du futur ne peut donc se manifester sous la forme d’un ordre observé que si cet ordre n’a pas d’explication causale, sans quoi cet ordre ne serait qu’une trace d’un passé encore plus ordonné.

 

Peut-on de ce point de vue considérer mon couple d’animaux comme une trace du futur ?

 

Il y a effectivement une création d’ordre : la concordance entre l’envol de perdreaux, la déviation de ma vision, l’apparition du chevreuil et par dessus le marché, l’intérêt pour moi que tout cela arrive de façon parfaitement ordonnée. Le moindre retard, la moindre absence de coordination feraient désordre en donnant l’impression que j’ai raté une chance qui m’était donnée d’échapper à une nuit à la belle étoile et ...

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On voit ainsi que la première source de certitude concernant les traces que l’on peut espérer rencontrer de notre propre futur, d’après notre Arbre de Vie, va nécessairement mettre en jeu nos intentions, et par conséquent notre propre fiabilité face à nous-mêmes, et je dirais même plus notre intégrité morale ou encore notre authenticité, en tant que capacité à ne pas nous mentir à nous-mêmes sur nos véritables intentions.

 

En effet, si nous voulons observer les traces d’un futur qui nous concerne, la moindre des choses serait de nous questionner intérieurement sur l’authenticité de nos véritables intentions, au risque de nous exposer à des traces multiples qui se contrediraient les unes les autres.

 

Les traces du futur dans lequel nous sommes impliqués peuvent donc être recherchées dans l’observation d’un ordre non causal, mais à condition que nos intentions soient fiables.

 

Or cette condition de fiabilité de nos intentions nous confronte à une contradiction : pour que cette fiabilité soit réelle, il est préférable que nos intentions soient accompagnées des moyens de les réaliser.

 

Mais si tel est le cas, cette réalisation finit par s’inscrire dans le cadre de la causalité, et aucune trace du futur de cette réalisation n’est donc plus à espérer ! Voilà bien un sacré dilemme !

 

Car cela expliquerait pourquoi nous n’observons pas, ou si peu, les traces de notre futur : tout simplement parce qu’en imaginant les moyens que nous pourrions utiliser pour réaliser notre objectif, nous inscrivons nos futures actions potentielles dans une stratégie causale, l’un de ces moyens devenant ainsi la cause de notre futur. Et ceci annihile donc toute possibilité que ce futur dérive d’autre chose que de ces moyens, en rendant ainsi impossible l’apparition de traces non causales !

 

Une troisième condition devrait donc être ajoutée à notre recherche de traces de notre futur : nous devrions être déterminés, mais ne pas encore savoir comment réaliser nos intentions !

 

Il y a donc un conflit potentiel entre les deux types opposés de traces que nous pouvons suivre pour réaliser nos intentions, sachant que les moyens que nous nous donnons représentent des traces causales, c’est-à-dire des traces du passé. Posons nous maintenant la question de sélectionner parmi ces deux « déterminismes » qui prétendent gouverner le temps dans des sens contraires, je cite la croissance de l’entropie et la convergence des parties, celle qui est le plus à même de nous aider à réaliser nos intentions !

 

Là où la loi d’entropie croissante entraîne dispersion, irréversibilité et imprévisibilité, la Loi de Convergence des Parties nous parle de rangement et de rassemblement de tout ce qui se ressemble ! Quelle assemblée préféreriez-vous élire pour décider comment l’univers doit se comporter ? Celle qui prône le désordre et la dispersion, ou celle qui fait tout pour rétablir le bon ordre des choses ?

 

Même la fin d’une vie, qui dans le sens inverse du temps correspond à une naissance, n’a rien à voir avec le drame de la mort. Il s’agit d’une « décroissance » de l’individu accompagnée d’une réorganisation génétique de toute l’information qui le caractérise, c'est-à-dire une transformation qui ne perd rien du tout. Ne serait-ce pas la meilleure façon de mourir ?

 

La différence entre une loi qui consiste à augmenter le désordre, sans donner de règles de calcul prévisionnel autres que statistiques et limitées dans le temps, et une loi qui consiste à augmenter l’ordre, mais dont nous ne connaissons pas encore les règles de calcul, est à peu près la même que la différence que nous ferions entre deux amis, le premier vous demandant de le suivre tout en déclarant qu’il ne sait pas où il va car son itinéraire relève du hasard, et le second déclarant qu’il va au même endroit que vous car l’union fait la force !

 

Auquel des deux feriez-vous le plus confiance ?

 

Léo Rosten écrivait : « Si l’on ne sait pas où nous mène un chemin, alors on peut être sûr qu’il nous y mènera ».

 

La question « Mais où ? » est ici en effet caduque, la réponse étant « Où l’on veut qu’il nous mène bien sûr », sachant que cet endroit doit tout d’abord émerger dans notre intention, et dans ce cas il vaut mieux se faire accompagner par le second partenaire avec lequel nous sommes toujours en accord, et surtout pas par le premier. Car dans le cas contraire, cela équivaudrait à déléguer la réalisation de nos intentions à celui qui se laisse porter par le hasard.

 

Mais en adoptant un comportement inspiré d’une loi fonctionnant à contresens du temps, ne remettons-nous pas excessivement en question la causalité, avec le risque que notre comportement s’en ressente de manière encore plus absurde que ...