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La schizophénie bipolaire des physiciens

La schizophrénie bipolaire des physiciens

Une révolution incomplète

Dans l'introduction d'un livre sur la gravité quantique (Unfinished revolution, 11 décembre 2013), Carlo Rovelli fait un excellent point sur l'état de la recherche en physique moderne et sur la crise qui affecte notre compréhension du monde physique. Je traduis ici et commente quelques citations de cette introduction disponible sous forme d'article dans Arxiv.

<<En dépit de leur succès, la relativité générale (RG) et la mécanique quantique (MQ) offrent une compréhension du monde physique à la fois confuse et schizophrène >>

Il s'agit plus précisément d'une schizophrénie de type bipolaire, oscillant entre les syndrômes du fou (MQ) et de l'illuminé (RG) que j'ai précédemment analysés sur cette page.

<< De nos jours, ce fait [ l'espace-temps n'est pas figé ] est finalement bien reconnu même par ceux qui ont longuement refusé d'admettre que la RG impose une révolution dans notre manière de penser l'espace et le temps, telle que celle qui est énoncée par quelques leaders de la théorie des cordes. Dans une récente interview, par exemple, le prix Nobel David Gross déclare: cette révolution changera probablement notre conception de l'espace et du temps et les éliminera même peut-être en tant que bases de notre conception de la réalité >>

L'idée d'éliminer l'espace et le temps de notre conception de la réalité physique a pour corollaire celle que l'espace et le temps sont donc des illusions produites par la conscience, ou si l'on préfère par le cerveau, mais il y a une sorte de consensus chez les physiciens qui les amène à s'interdire d'utiliser certains mots dans leurs papiers par respect pour le cloisonnement des sciences. Le concept de conscience se voit ainsi toujours interdit de faire son entrée en physique et l'on peut se demander si ce n'est pas un facteur d'entretien du trouble bipolaire.

Il y a toutefois de l'espoir, car il n'est pas interdit de dénoncer la difficulté qu'il y a à résister à ce cloisonnement trop rigide:

<< Les scientifiques qui essaient de résister à la théorie quantique ou à l'idée d'un espace-temps figé et indépendant (background independance) me rappellent Tycho Brahe, qui essaya durement de concilier les avancées de Copernic avec "l'évidence irréfutable" que la terre est immobile au centre de l'univers. Le fait de faire bouger l'espace-temps est peut-être aussi difficile à concevoir aujourd'hui que le fait de faire bouger notre terre immobile à cette époque. Le monde pourrait bien ne pas être tel qu'il nous apparaît dans le minuscule jardin de notre expérience quotidienne. >>

Cette réflexion et surtout cette résistance de Carlo Rovelli sont à saluer, mais ce n'est pas encore tout à fait l'effort requis pour sortir de l'ornière matérialiste de notre époque: la meilleure défense des idées n'est pas la résistance mais l'attaque. J'aurais donc préféré une véritable prise de conscience, un réveil, que dis-je une injection sous cutanée de conscience, en formulant par exemple le syndrome d'endormissement des physiciens de la façon suivante, reformulée par mes soins:

<< Les scientifiques qui essaient de résister à l'idée que l'espace-temps est indépendant et ne peut donc pas dépendre de notre conscience collective me rappelent Tycho Brahe, qui essaya durement de concilier les avancées de Copernic avec "l'évidence irréfutable" que la terre est immobile au centre de l'univers. Le fait de rendre à la conscience ce qui lui appartient, en l'occurence l'espace-temps, est peut-être aussi difficile à concevoir aujourd'hui que le fait de croire anciennement que notre réalité terrestre existe indépendamment de toutes les consciences qui la rendent réelles. Le monde pourrait bien ne pas être tel qu'il nous paraît dans le minuscule jardin d'enfants que constitue notre planète. >>

Mais continuons notre lecture, car toutes les prémisses d'un éveil sont là:

<< Pour parler simplement, nous apprenons de la RG que l'espace-temps est un champ dynamique et nous apprenons de la MQ que tout champ dynamique est quantifié. Un champ quantique a une structure granulaire et une dynamique probabiliste qui permet la superposition de différents états quantiques. Par conséquent à petites échelles nous pourrions compter sur un espace-temps quantique formé par des "quanta d'espace" évoluant de façon probabiliste et permettant des "superpositions quantiques d'espaces". Le problème de la gravité quantique est de donner une définition mathématique précise et une signification physique à cette vague notion d'"espace-temps quantique".

Exactement et très bien dit, le problème est de donner une signification physique aux fluctuations quantiques de l'espace-temps, que par respect pour le plus éveillé des dormeurs je ne vais pas formuler ici, tellement je la ressasse partout.

En tout cas, Carlo Rovelli a l'esprit clair sur le fait qu'une harmonie doit exister entre la RG et la MQ, au point de pouvoir visualiser un volume d'espace-temps tel qu'il devrait être après harmonisation, c'est à dire tel que ci-dessous à droite si l'on remplace 4 dimensions par 2 seulement:

J'ai représenté à gauche, à titre de comparaison, notre représentation cartésienne d'un espace à 2 dimensions en montrant qu'à la différence de la figure de droite, elle suppose la possibilité de diviser à l'infini les grains d'espaces que sont les carrés, ce qui n'est pas le cas de l'espace-temps de la gravité quantique où les grains d'espace (que sont les ronds) sont d'une part déformables, d'autre part incapables d'amenuiser leurs dimensions en dessous d'une longueur minimale lp, la longueur de Planck:

lp ~ 0,00000000000000000000000000000000001 mètres (35 zéros)

<< De nombreux arguments indiquent que lp pourrait jouer le rôle d'une longueur minimale, de la même façon que c est la vitesse maximale et h l'action minimale échangée.>>

Et un peu plus loin:

<< Un nombre important de considérations [relatives à des limites de différentes natures] ont suggéré que l'espace pourrait ne pas être infiniment divisible. Il pourrait avoir une granularité à l'échelle de Planck, analogue à la granularité qui apparaît dans l'énergie d'un oscillateur. Cette granularité de l'espace est pleinement réalisée dans certaines théories quantiques telle que la gravité quantique à boucles, et il y a aussi des indices de cette granularité dans la théorie des cordes. >>

Or que signifie au juste une telle granularité pour le commun des mortels ? Là encore, j'ai l'impression qu'une sorte de pudeur rigide envahit les physiciens pour les empécher de parler d'une façon trop crue qui bouleverserait les bases de notre éducation. Et effectivement il y a de quoi, car les conséquences de cette granularité sont une remise en question de la validité opérationnelle de toutes les équations de la physique pour cause d'espace-temps discontinu: elles pourraient n'être que des approximations, excellentes à notre échelle mais limitées pour d'autres.

J'ai déjà plusieurs fois indiqué ma solution: remplacer les équations par des algorithmes, sachant que l'on peut transformer toute équation en algorithme mais pas l'inverse. C'est la seule manière de calculer à mon sens la structure dynamique essentiellement fluide de l'espace-temps. On y viendra, j'en suis sûr, car seuls les algorithmes peuvent nous permettre de rendre compte d'une mécanique indéterministe où il nous faut travailler simultanément avec plusieurs versions possibles du futur de l'espace-temps.

J'ai également montré dans ce papier d'arxiv les conséquences fondamentales d'une granularité de l'espace. En tout premier lieu, elle a pour effet d'attribuer à chaque objet de l'univers (particule, boule,...) une quantité d'information limitée pour décrire sa position ou sa vitesse: il s'ensuit un indéterminisme fondamental de la mécanique classique et la disparition des frontières entre physique classique et physique quantique: voir également cette page où je commente en français ma dernière publication.

Mais la pudeur écolière des physiciens, qui les rend trop mathématico-rigides, va jusqu'à leur faire crier au sacrilège lorsqu'on mélange deux physiques aux approches si différentes, ce qui m'a valu quelques fils à retordre avant de pouvoir publier ces résultats. C'est pourtant bien la mission que Carlo Rovelli semble s'être lui-même fixé, mais il faut reconnaître qu'il s'est hissé à un niveau de respectabilité permettant une très large écoute. Le revers de la médaille est que ce niveau de réputation mondiale engendre aussi un handicap: y rester implique de faire attention à son vocabulaire et de tenir compte des susceptibilités pouvant mener à la dénonciation d'un débordement. La majorité des chercheurs qui créent une réputation sont en effet essentiellement des suiveurs attachés à une école et des équations bien précises, et ils n'ont pas assez d'ouverture d'esprit pour accepter sans dénoncer un "pétage de plomb" un semblant de dépassement de leurs frontières conceptuelles.

Parmi les concepts clés ainsi bannis, pour cette raison, de la publication de Carlo, je recense les deux qui sont essentiels à mon sens pour se positionner sur le chemin de la solution au problème soulevé: la conscience et l'information.

Pourtant, pas un mot sur l'information ou la conscience, ce qui est de mon point de vue totalement ahurissant ! Mais c'est évidemment le point de vue de quelqu'un qui dépasse les frontières.

Carlo Rovelli a toutefois une très bonne raison d'éviter ces concepts de conscience et d'information, qui peuvent devenir des écueils lorsqu'on évolue à son niveau. Il doit déjà faire admettre le bouleversement du concept qui est probablement le plus important dans cette affaire, celui du temps. Donc, chaque chose en son temps:

<< Les équations fondamentales de la gravité quantique pourraient donc ne pas être écrites comme des équations d'évolution dans un temps variable observable. Et en fait, dans l'équation de la gravité quantique par excellence, l'équation de Wheeler-de-Witt, il n'y a pas du tout de variable temps >>.

Pour faire clair, il ne reste plus que des positionnements relatifs entre différents objets de l'univers, dont la précision est limitée par des grains d'espace, de même que l'image de notre télévision est limitée par des pixels. Le temps disparaissant de la description de l'évolution de toutes les positions relatives, la conscience n'a plus qu'à se réfugier à la DASS ou une assistante sociale AS acceptera de rassurer et d'entretenir l'enfant "temps présent" renié par la physique.

Laissons donc aux physiciens le temps d'éliminer le temps pour le remplacer par la conscience avant de réhabiliter le présent. J'espère que l'AS aura la patience.

<< Pour donner du sens au monde à l'échelle de Planck, et pour trouver un cadre conceptuel consistant pour la MQ et la RG, nous pourrions avoir à abandonner la notion de temps et apprendre à décrire le monde en termes atemporels. Le temps pourrait rester un concept utile mais seulement pour une description approximative de la réalité physique >>

Adieu donc le temps et vive l'atemporel, prélude à la conscience ! mais attention, il y a un grand ménage en cours:

<< Il pourrait être requis que nous ayons à nous libérer nous-mêmes des préjudices associés à nos habitudes de penser le monde comme un "espace habité" et "évoluant dans le temps" >>

Nous n'habitons donc même plus un espace. Mince, la femme de ménage a sorti l'espace avec. Chapeau Carlo, ça mérite bien la censure de la conscience et de l'information. Jusque là, je suis en accord complet avec lui, voulant dire par là que sa conception du monde me paraît compatible avec la mienne. Mais il y a un hic:

<< Conceptuellement, la question clé est de savoir s'il est logiquement possible de comprendre le monde en l'absence de notions telles que le temps ou l'évolution dans le temps, et de savoir si c'est bien compatible avec notre expérience du monde. >>

Bien sur qu'il est possible de comprendre le monde en l'absence de telles notions: il suffit d'éliminer le temps pour faire renaître le temps, le vrai, soit un éternel présent dans lequel le passé et le futur évoluent simultanément selon des lignes temporelles flexibles qui bougent latéralement. Mais Carlo n'a pas les outils mathématiques pour cela. Voila qui révèle à mon sens son talon d'Achille. Bien qu'il soit un génie dans le sens où avant lui, personne n'avait osé repenser autant à fond nos conceptions de l'espace et du temps (après qu'Antoine Suarez ait enterré le temps), il achoppe sur la question pour laquelle la physique matérialiste plonge dans le noir, alors qu'une vision beaucoup plus humble d'un espace-temps flexible et donc englobé dans un univers plus vaste aurait fournit des solutions à mon avis clarifiantes à son problème d'évolution, amenant ensuite à insérer la conscience - qui ramène ce vrai temps d'évolution: l'éternel présent - dans le débat scientifique.

J'avais déjà remarqué ce point d'achoppement entre ses idées et les miennes à l'occasion d'un colloque à Marseille où il a fait un brillant exposé (Castelviel, 12 novembre 2013). A l'issue de sa conférence, je lui ai posé la question suivante:

<< Penses tu que le futur soit déjà réalisé et si c'est le cas, penses tu qu'une évolution de l'univers hors du temps pourrait avoir comme conséquence une influence du futur sur le présent ? >>

J'ai été étonné de l'entendre me répondre quelque chose d'obscur et de contraire à l'idée d'un futur déjà réalisé qui m'a paru incohérent avec son discours précédent, alors qu'il avait pourtant été très clair et brillant durant ses interventions jusque là. Marc Lachièze Rey, qui était présent en tant qu'intervenant, a lui-même été étonné de la réponse de Carlo et il a tenté de lui expliquer à la fin de la séance son point de vue le plus cohérent à mon sens: l'espace-temps futur est bel et bien déjà réalisé. Soit dit en passant, bien que Marc et moi soyons d'accord là dessus, la différence entre son idée et la mienne sur l'espace-temps est que Marc a une vision déterministe du futur. Toutefois je dirais que nous sommes d'accord sur l'essentiel: une vision dans un premier temps déterministe d'un espace-temps déjà entièrement déployé dans le futur est déjà une très bonne étape.

La réponse de Carlo à laquelle je ne m'attendais pas du tout m'a travaillé et c'est pourquoi j'ai finit par écrire ce précédent post. J'avais le sentiment que les physiciens ne pouvaient s'empécher de tomber dans la schizophénie joliment dénoncée par Carlo Rovelli parce qu'il en était lui-même une victime: devoir choisir entre le fou et l'illuminé ! ou entre le schizophrène de type I et le schizophrène de type II. Carlo Rovelli avait fait là un choix préférentiel, celui de penser selon le type I, à savoir que dans le présent notre futur n'existe pas encore et qu'il se construit donc à mesure que le temps passe... (pardon, que ça passe). Mieux vaut peut-être celà que d'être à la fois un fou et un illuminé tel que moi (mais je vous assure que ce mélange méconnu rend tout à fait normal).

Dans la dernière citation ci-dessus de Carlo Rovelli, on constate donc son malaise avec l'idée qu'un vrai temps (éternité ?) pourrait être malgré tout à l'oeuvre, puisqu'il cherche à comprendre le monde en l'absence même de l'idée d'une évolution dans un temps quel qu'il soit. Avec ce nouveau papier qu'il vient d'écrire, je pense donc avoir maintenant compris la réponse de Carlo à ma question: selon lui la réalité que nous avons à vivre n'existe pas déjà car cela impliquerait un temps qu'il refuse parce qu'il serait comme la position de la pointe de lecture sur un tourne disque. Or d'après lui il n'existe pas un tel tourne disque, comme si nous étions dans un film, mais seulement le résultat d'un calcul qui s'exprime à notre conscience au rythme du calcul. Il n'y aurait pas de temps mais seulement une succession d'opérations. Donc nous n'aurions pas de libre arbitre, car il y a un seul résultat de calcul, et l'univers nous servirait de façon déterministe (bien que probabiliste au niveau quantique) la suite de notre vécu. L'espace-temps serait bien déployé mais seulement dans son passé, il se complèterait au fur et à mesure d'opérations de calcul et non pas dans un temps qui n'existe pas.

J'ai franchement du mal avec cette idée qui est d'ailleurs en désaccord avec l'"école parisienne" soutenue notamment par Marc Lachièze Rey et Thibault Damour.

Je pense pour ma part qu'il existe un vrai temps, celui de l'éternité, de l'éternel présent ou de la conscience, qui nous délivre des informations déjà calculées (l'univers n'est pas aussi lent qu'un PC, tout de même) mais à partir d'un réservoir aux futurs multiples, la sélection de la ligne temporelle effectivement vécue se faisant sous le contrôle de la conscience, à la fois dans le futur déjà présent, par le biais de nos intentions, et dans le présent par le biais de nos observations, ceci étant rendu concevable par le fait que l'espace et le temps sont illusoires et donc des créations de la conscience elle-même. Il est vrai cependant que la physique ne nous fournit actuellement aucun modèle pour le décrire. Je pense que ceci relèvera au final d'un formalisme et de compétences qui viendront plus de la mécanique des fluides (lignes temporelles fluides) et des ALGORITHMES, que de l'une des deux mécaniques extrèmes (RG et MQ) qui se sont aujourdhui imposées en physique.

Les physiciens doivent se décomplexer sur le sujet de la conscience et se réveiller, bon sang de bonsoir, sachant qu'il est tout à fait envisageable de la modéliser en relation avec une fonction algorithmique qui agit sur un espace-temps dynamique de nature essentiellement fluide.

Il faudra pour cela éliminer le temps comme le fait Carlo Rovelli mais évidemment pas le présent, car je pense qu'aussi longtemps que la physique bannira le temps en même temps que le présent, si je puis m'exprimer ainsi, elle sera incapable de résoudre sa schizophénie bipolaire.